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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 15:14

ethnographie cadres territoriaux 3 bisBien plus que rendre des comptes le cadre territorial doit avant tout aujourd'hui se rendre compte du rôle singulier de passeur qu’il revêt.

 

Il est particulièrement bien placé pour dire ce qui se déroule réellement au niveau des services.

 

Repérer avec précision l’activité des cadres devrait aider ceux qui prennent les décisions pour le développement du territoire.

 

De son coté le cadre fournit quotidiennement un travail de lien invisible. Souterrain, méconnu, caché.

 

Pour nous il s’agit avant tout de comprendre ce que nous faisons au quotidien dans notre travail. Ce que nous devons faire réellement pour que le service fonctionne.

 

En quelque sorte avancer un peu comme le ferait l’enquête d’un ethnographe : observer, écouter et prendre de notes, car l’amnésie du travail réalisé et des approches méthodologiques privilégiées pour y parvenir, est si vite arrivée.

 

Se rendre compte et rendre compte ensuite c’est avant tout une affaire de mémoire.

 

De toutes ces luttes incessantes contre l’oubli qui guettent notre action.

 

Il y a aujourd’hui de plus en plus un écart entre la tâche prescrite et le travail réel et ce n’est qu’en regardant ce qui se passe sur le terrain qu’il est encore possible d’analyser et de comprendre l’activité des cadres territoriaux.

 

Un accomplissement qui ne peut se réaliser qu’au prix d’une contribution de la personne et qui va bien au-delà de la simple exécution des procédures.

 

Des procédures que nous devons, avant tout, engendrer.

 

Les cadres cristallisent aujourd’hui toutes les tensions : celles du territoire où nous exerçons, celles des usagers, des élus sans oublier, bien sur, les appréhensions de nos équipes.

 

Nous nous sommes pendant trop longtemps volontairement exposés une logique excessive de « mise en visibilité » de l’offre publique et pendant ce temps nous avons peu parlé de notre propre travail au quotidien, devenant ainsi la cible des mécontentements et des lassitudes, y compris les nôtres.

 

Dans des équipes fréquemment débordées par les cadences de travail mal planifiées, on dit souvent que les directeurs ne sont jamais là, qu’ils sont toujours en réunion …

 

En fait, nous sommes partout.

 

Nous faisons ce fameux travail de lien invisible et de rattrapage des incohérences.

 

Une articulation permanente entre des logiques disparates et des mondes éclatés.

 

Un travail de reconfiguration permanente des rouages qui permettent à la collectivité de fonctionner, de cheminer sans sursauts désordonnés.

 

Inutile d’attendre – ou de craindre – les grandes réformes qui viendront, à terme, ébrouer nos logiques ou nos habitudes de fonctionnement.

 

Nous avons déjà connu des micro changements cumulés qui ont modifié en profondeur nos clivages de cadres territoriaux : les nouvelles règles de sécurité, les changements des procédures, les bons vieux désirs de transversalité provenant de différentes directions et sécrétés parfois à la va-vite et sans réelle concertation ni administrative ni, encor moins, politique.

 

Ces quelques exemples disparates ont contribué, bon an, mal an, à nous préparer au changement car une part importante du travail du cadre consiste aujourd’hui à amortir les rigidités, tout en préservant un minimum de règles pour permettre, sur le terrain, le travail des agents.

 

Dans des conditions de travail dégradées, nous sommes nous-mêmes mis sous tension car d’un coté nous devons soutenir et accompagner le personnel et de l’autre, contribuer à l’augmentation des cadences de travail avec de moins en moins de moyens à la clé.

 

Bien plus qu’évaluer, nous devons analyser le travail réel.

 

Décrire au quotidien les problèmes rencontrés sur le terrain.

 

Nous devons en parler sans forcement être dans la plainte ou encore dans la démobilisation. Acquérir une approche plus partagée des difficultés permettrait ainsi de mettre en œuvre des démarches idoines pour réduire les difficultés. De donner enfin à comprendre aux autres notre travail de cadre territorial et de parvenir, somme toute, à en réaffirmer le sens.

 

Occulter la réalité de ce qui se passe à la « production » de l’offre de service public ne peut être une solution.

Nous devons trouver un espace pour parler de nos difficultés, penser collectivement les impasses pour construire ensemble des réponses à des situations inédites.

 

Pour mieux faire connaître et reconnaître aussi notre travail de cadre, bien sur, mais également pour impulser une analyse collective de notre poste.

 

Or les enquêtes socio-ethnologiques de notre métier, manquent si cruellement dans la territoriale.

 

Ce sont autant de bouées de sauvetage qui manquent à la sûreté de notre fragile vaisseau s’apprêtant à un périple où les écueils, les rochers, les obstacles et les hauts-fonds ne manqueront pas.

 

Filins fragiles de sécurité ou alors solides amarres qui sécurisent et rassurent les équipages face aux bourrasques qui nous font face, nous sommes tous invités à réfléchir aujourd’hui à d’autres formes de conduite du changement qui prendraient en compte les situations de travail réelles que nous rencontrons aujourd'hui et qui mieux consentiraient de prôner ensuite l'agencement et le renouveau du service public. A évoluer vers plus de justice, d'équité, de partage, de générosité.

 

Bref : singulièrement plus d'humanité.

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