Pour tout auteur, les écrits incarnent aujourd’hui l’une des expressions artistiques parmi les plus riches et les plus disparates. Les plus complexes aussi.
Il y a quelques années encore, le clivage qui pouvait exister entre les cultures dites « populaires » (dont la culture orale) et la culture écrite, était manifeste.
La confrontation impossible de l’oligarchie de l’écrit face à l’indigence du « parlé ».
Ces deux mondes se côtoyaient avec une profonde défiance. Tout dialogue ou passerelle entre ces deux univers était alors inconcevable.
A présent, les expressions artistiques liées à l’écrit, toutes sortes d’écrits, se sont métamorphosées d’une manière inouïe.
L’art de l’écrit se reflète aujourd’hui dans des expressions populaires auxquelles adhère un très large public autour, notamment du rap, du slam ou encore cette étrange « culture » qui s’exprime auprès des jeunes grâce aux multiples « langages » écrits des réseaux sociaux ou encore ceux des … SMS.
Nous pouvons y souscrire ou bien alors s’en alarmer.
Il n’en reste pas moins que les bouleversements actuels de l’écriture témoignent d’un incroyable mouvement qui agite, bien plus rapidement que toute autre expression artistique ordinaire, la société dans laquelle nous vivons.
Il ne s’agit donc plus, pour nous, de savoir si cela est un avantage ou un inconvénient pour le développement de l’écriture au sens large, mais tout simplement de décider si nous désirons prendre le train en marche de cette révolution de l’écrit, ou rester à quai.
Car, dans ces mutations liées à l’écrit, comment ne pas constater que, grâce à ces nouvelles formes de l’écriture, les fractures qui autrefois existaient entre l'expression « orale » et culture « écrite » se sont, en très peu de temps, soudainement réduites.
Mieux encore. Un peu partout l’on assiste de manière largement généralisée, au soutien et à l’accompagnement des institutions publiques aux projets culturels de ce type.
Ce n’est plus un tabou de financer une saison culturelle, voir d’authentiques festivals thématiques, dédiés à ces formes nouvelles du langage et de l’écriture.
Ces manifestations participent d’ailleurs en France, à l’appui de l’économie du champ culturel et artistique.
Ces nouvelles expressions du langage contribuent tout naturellement aussi à la participation de toute une catégorie socioculturelle au maillage culturel des territoires et ça c'est une véridique révolution.
Un constat toutefois, qui de ne doit pas pour autant minimiser l’échec des politiques culturelles institutionnelles mises en œuvre jusqu’à présent.
Car depuis au moins trente ans et malgré un grand renfort de moyens et de discours distillés autour la nécessaire « conquête » des publics – défavorisés ou pas – les institutions ne parvenaient pas à rallier les publics restés en dehors de la « chose » culturelle …
Elles ont prôné, avec un entêtement autiste et à grand renfort de moyens, la bien galvaudée et inopérante « consommation culturelle pour tous ».
Las, sans de véritables réussites à la clé.
Or, ces nouvelles expressions des écritures permettent aujourd’hui d’atteindre des populations absentes de l’offre culturelle "institutionnelle".
Et si c’était juste une question de … tolérance, rehaussée par une certaine mesure de … créativité, qui permettait à présent d’atteindre ces résultats surprenants et jamais égalés ?
Nous assistons aujourd’hui à la survenue d’une culture populaire du langage et de l’écrit, où les formes plus conventionnelles de l’écriture semblent pouvoir se régénérer au simple contact de ces nouvelles expressions en mouvement permanent.
Une nouvelle forme de coopération créative dans laquelle certaines « figures » du langage parviennent désormais à composer avec les authentiques formes de l’écriture.
Le dialogue a toujours permis de faire avancer la démocratie. Propager le savoir aussi.
Et en matière de pluralisme et de démocratie, les arts ont tant à enseigner à nos institutions et aux politiques qui les animent.
Ecrire, lire et faire lire passeraient donc par … l’oralité.
Quelle étrange bizarrerie ...
Mieux encore : la lutte contre l’illettrisme aussi.
Grâce à ces nouvelles formes, il semble désormais envisageable de passer de l’absence totale de maîtrise de la langue française, à la rédaction et à la publication d’un ouvrage en très peu de temps : 3-5 ans tout au plus.
Un grand nombre d’associations de lutte contre l’illettrisme savent proposer aujourd'hui, des techniques prodigieuses dans la progression de l’apprentissage de l’écrit via, justement, l’oralité, la poésie immanente, le numérique, Internet …
On enregistre, partout dans le territoire, un véritable renouveau de l’apprentissage de la langue. L’adaptation est toujours bénéfique.
Pourquoi donc s’entêter encore à vouloir éduquer avec des méthodes qui ne tiennent pas (ou plus) compte des changements sociétaux ?
Dans toutes ces permutations qui subsistent aujourd’hui entre oralité et écriture, l'approche de la culture est désormais envisageable à un grand nombre de personnes qui pensaient ne pas y avoir accès.
Lentement on parvient inévitablement à modifier les choses. A les faire évoluer.
A en finir aussi avec ce désuet "savoir d’en haut" s’opposant à la "culture d’en bas".
Actuellement, tout semble appuyer l’avènement de nouvelles représentations annonciatrices d’une démocratie culturelle plus tangible.
Une impulsion qui part des … fondations, de la base… Bref, du peuple.
Des univers patrimoniaux illimités s’ouvrent à nous aujourd’hui.
Il y a dans le domaine de l’écriture tant de « terra incognita » à explorer, à sonder, à parcourir, à visiter. A partager aussi.
Bref, à vivre ensemble.
Tant d'opportunités liées aux expressions écrites encore imperceptibles, certes, mais pourtant possibles.
Elles peuvent aujourd’hui nous motiver, donner du sens et, principalement, une nouvelle ampleur au travail qui nous attend pour rendre accessible le monde de la culture, de l’expression, de la communication et du partage à tous.