Dans la Territoriale aussi désormais, la demande en développement personnel, serait admise comme un succédané au perfectionnement des atouts techniques et managériaux d’une bonne partie des agents.
Et pour cause, dans tous les médias, dans bon nombre de déclarations officielles, dans le cadre de séminaires en tout genre, dans les expressions de vœux de performance, et autres niaiseries de cet acabit, on nous répète en boucle les incommensurables avantages de façonner - grâce au développement personnel - les agents lambda, pouvant être transformés instantanément en cadres charismatiques, capables de prévenir et résoudre les conflits, d’échanger, de négocier.
Bref, se métamorphoser, comme par magie, en un manager à la fois efficient, inventif, bien dans ses baskets et … heureux, qui plus est.
Et aussi plus beau, plus fort, plus intelligent…
La totale quoi !
Oui …
Vous y croyez, vous ?
Aujourd’hui, le premier outil de management serait donc le cadre lui-même.
Finie ainsi la doctrine très « trente glorieuses », où le cadre n’était que le prolongement de la machine.
Las. La réalité, sur le terrain, semble s’avérer bien différente et, face aux contraintes internes liées au travail, les expectatives des agents en matière de « fabrication » de cet archétype de manager accompli, paraissent parfois disproportionnées.
Or le modèle strictement hiérarchique a, depuis belle lurette, dans la Territoriale aussi, été remplacé par le fonctionnement par objectif.
Un mode de décisions extrêmement complexe qui exige plusieurs types de compétences autour d’un même projet … Des capacités transversales qu’un individu ne peut, à lui seul détenir.
C’est dire si, la plupart du temps, ça dysfonctionne.
D’où l’illusoire engouement pour ces formations en développement personnel qui, comme par enchantement, seraient capables d’offrir la solution miracle à toutes incompétences, inaptitudes et incapacités.
Et peu importe si l’on imagine résoudre l’ensemble de ces tensions par une simple remise en question personnelle. On y souscrit massivement, innocemment, les yeux fermés même si cela reste un pari illusoire.
Ces stages masquent aussi les vrais problèmes.
Il est souvent tellement plus simple pour les collectivités d’envoyer les équipes en formation plutôt que de s’interroger réellement et en profondeur sur leur organisation.
C’est une façon de contourner le problème - un alibi commode nous empêchant d’être pragmatiques et de comprendre, avec précision, l’adéquation réelle entre compétence et poste occupé et celle, dissemblable, de l’environnement où le travail s’organise.
Une absence de propension aussi, à analyser la juste pertinence entre la personne et le poste, sa maîtrise du métier, des outils technologiques.
Sans oublier les risques, les immixtions nocives et les parasitages fréquents (pour ne pas dire systématiques), des problèmes personnels qui interagissent avec le monde du travail …
Or la sphère de l’intime n’a pas à entrer dans le monde du travail.
Ce dernier doit se restreindre à gérer la cohésion sociale des agents entre eux.
Le développement individuel, selon les contenus proposés par ces stages, présume que tout le monde peut devenir un héros.
Même si les volontaires à ces formations sont souvent de bonne foi, cela ne finit par produire, in fine, qu’un effet cosmétique en ne traitant, dans les cas les plus efficaces, que les symptômes. Mais il y a pire.
Celui qui n’a pas l’étoffe pour le poste qu’il occupe, ne sera pas métamorphosé par ce type de stage.
Au contraire, il risque de se trouver déstabilisé, voire de prendre conscience qu’il a peut-être, à tort, accepté des responsabilités qui le dépassent.
Il ne nous restera plus qu’à rejoindre alors la farandole effrayante - car source de dépendances - des offres subsidiaires en formation déclinées, à l’infini, en : « résistance au stress », ou encore : « estime de soi » …
Des formations qui, selon le très variable charisme du formateur, peuvent produire temporairement un relatif apaisement … symbolique.
En somme, se rendre à ces stages en situation de souffrance interne produirait, comme en médecine, un effet placebo.
Le développement personnel présente ainsi ses limites.
Par ailleurs on pourrait penser que ces formations vont permettre aux participants de se sentir - curieusement - valorisés.
Est-ce vraiment le cas ?
Lorsqu’on leur demande de motiver ce ressenti, la plupart soulignent que, sur leur lieu de travail, ils ont rarement l’occasion d’exprimer leurs émotions, d’échanger leurs expériences, de partager leurs difficultés…
A croire que - n’en déplaise à Zoé Shepard - les réunions interminables, les pauses clope/café qui s'étirent et les repas pris à la cantine où l’on refait le monde et, surtout, inlassablement la peau du N +1, ne parviennent plus à remplir leurs émérites fonctions de recomposition de liens !
Le développement personnel a ses limites car les effets concrets sont plus qu’aléatoires.
Ces conséquences varient selon les êtres et la sincère volonté d’adhésion de chacun à une démarche collective.
Et, il ne faut pas l’oublier, notre environnement au travail où ces résultats viennent aussi à se transformer.
Gestion du stress, affirmation de soi et développent personnel : les catalogues dédiés à la formation dans la Territoriale, foisonnent aujourd’hui de ces offres qui produisent… du vent.
Dans un tout autre registre, plus professionnel cette fois-ci, cette année encore dans les services, je n’ai curieusement pas constaté une hausse des sollicitations en formation de « meilleure gestion du temps »…
A croire que pour un bon nombre des collègues territoriaux, cela doit représenter … une perte de temps.